Il y a quelques jours, j’ai enfin pu me procurer » Quand les étoiles deviennent noires » de Rebecca Ayoko. C’est lors de la promotion de son livre en 2012, que j’avais découvert le terrible parcours de cette femme. Je m’étais dit qu’il fallait absolument que je lise son autobiographie.
Après l’avoir lu d’une si grande vitesse, je suis heureuse de vous parler de cet ancien mannequin, d’origine togolaise. On dit souvent que c’est dans les livres, que nous apprenons énormément de choses et de vérités. Et je peux vous dire, que c’est bel et bien le cas.
Jusqu’au moment où je me suis procuré ce livre, j’ignorais que cette femme était togolaise et qu’elle avait défilé pour les plus grands couturiers. Je ne vous cache pas que j’éprouve une immense fierté, de partager les mêmes origines qu’elle. Ce qui me désole en revanche, c’est le manque de visibilité à son égard. Je pense qu’elle à autant contribué dans le paysage de la mode et qu’elle à même contribué, à cette nouvelle génération de mannequins noirs, de l’époque.
Son histoire est tellement inspirant, que je souhaitais lui faire une place, sur le blog.
Une vie paisible
Pour vous résumer en quelques mots. Rebecca Ayoko, de son vrai nom Ayoko Adamah (Rebecca étant son prénom de baptême), est un ancien top model. Elle est née de parents togolais, dans un petit village du Ghana (pays voisin du Togo). Apparement, à cette époque, de nombreux Togolais n’hésitaient pas à traverser la frontière, pour trouver du travail. Rebecca vit ses premières années dans un environnement familial stable, aux côtés de ses soeurs et de ses parents. Des parents qui ont grandis sous la colonisation des Européens et qui sont donc tiraillés, entre la culture de leurs ancêtres et celle du colon.
Rebecca naît donc à la même période des indépendances africaines. Ses parents comme de nombreux Africains, croient en un avenir meilleur. Son père tient à ce qu’elle aille à l’école, mais aussi au catéchisme. Le dimanche, elle se rend à la messe dominicale, vêtue d’une petite robe rose à l’occidentale. Bien que les familles respectives de son père et de sa mère, restent toujours attachés au vaudou.
Pauvreté, enfant esclave…
Malheureusement, le quotidien de Rebecca ne durera pas si longtemps. Lorsque son père décide de prendre une deuxième épouse, sa mère le quitte, prend ses enfants, et retourne auprès de sa famille au Togo. À partir de la, les problèmes commencent… Ils sont logés de famille en famille, personne ne veut vraiment les héberger, le temps de retrouver une situation stable. Sa mère tombe enceinte d’un homme qui en réalité à plusieurs ménages, ils dorment dans les rues de Lomé. Et ses nuits, passées dans la rue, surtout lors des saisons de pluie, hanteront pour toujours, Rebecca.
Alors que sa mère pensait bien faire. Elle envoie Rebecca chez son frère qui vit au Gabon avec sa femme. Là-bas Rebecca est battue au quotidien par la femme de son oncle et elle est aussi réduite au travail forcé. Bien qu’elle soit enfant, elle est contrainte de vendre des beignets sur le marché. Malheur à elle s’il lui manque de la monnaie dans le compte du jour, elle qui n’a pas longtemps mit les pieds à l’école…
Ce qui lui voudra des difficultés à compter, calculer les pièces de monnaie… Un jour, sa tante l’accuse d’avoir volé une partie de la monnaie. Elle lui infligera la pire torture qu’elle n’avait jamais subie : l’introduction de piment dans son vagin. C’est une torture que j’avais déjà pu lire dans la biographie d’une ancienne esclave africaine. Et j’ai appris que c’était une « punition » très répandue… Je suis toujours autant indignée.
Le viol à l’âge de 13 ans
L’autre élément qui a retenu mon esprit. C’est le viol que Rebecca a subi, à l’âge de 13 ans. Après que sa mère décède d’un cancer, elle refuse d’être hébergée chez de la famille. Craignant encore une fois, être une enfant esclave, dans sa propre famille. Elle se lie d’amitié avec une fille, qui lui offre aussi un petit boulot et un toit pour dormir. Le petit-ami de celle-ci est majeur et plus âgée qu’elles.
Ce qu’elle ignore, c’est que cette même amie va assouvir le fantasme sexuel de son copain : offrir Rebecca. Rebecca est violée de force, par cet homme beaucoup plus âgé qu’elles, un viol aidé par sa propre amie qui ne le secouera pas.
Sa nouvelle vie à Abidjan
Comme de nombreux Africains de l’époque. Abidjan (capitale ivoirienne) représentait l’eldorado. Une ville ou tout était possible. Là-bas, Rebecca rejoint sa grande soeur, avec le bébé de celle-ci. Elle se prostituera pour passer la frontière du Ghana, sans savoir qu’à ce moment, elle est enceinte du viol qu’elle venait de subir.
C’est en cote-d’ivoire qu’elle donne naissance à sa fille à tout juste 13 ans…
Mais c’est aussi en Côte-d’ivoire, qu’elle rencontrera des personnes qui lui feront savoir qu’elle à un beau corps et qu’elle peut s’en servir un jour. Elle multiplie plusieurs boulots dont celui de caissière ou serveuse dans une boite de nuit. Le soir, il lui arrive de se donner aux nombreux expatriés ou étrangers européens… Tous avides de nouvelles expériences sexuelles, avec des femmes africaines.
Quelques années plus tard, elle devient Miss Côte-d’ivoire et défile pour les photographes et couturiers locaux. Elle devient aussi l’égérie de produits locaux, ce qui lui permettra de gagner sa vie. Puis elle rencontre encore d’autres personnes déterminantes, qui l’incite à aller plus loin, notamment de s’envoler vers Paris ou elle pourrait devenir mannequin.
L’ère Yves Saint-Laurent
Lorsque Rebecca arrive à Paris, elle frappe à toutes les portes. Le travail commence à se faire payer, car elle réussie à entrer dans les prestigieuses agences : Elite, Glamour et Ted Lapidus.
Lorsque Yves Saint-Laurent la rencontre, c’est un coup de foudre. Immédiatement, il croit en Rebecca et Rebecca croit en lui. Il fait de Rebecca, sa vedette, sa favorite des défilés.
Durant plusieurs années, Rebecca vit très bien de ses années, elle voyage à travers le monde, elle rencontre les plus grandes personnalités, sans se soucier du lendemain.
Elle est aussi propulsée sur le devant de la scène, dans une période ou enfin, les mannequins noirs commencent à se faire une place. Bien que le racisme est bien réel dans ce milieu. Car des agences continuent de refuser des candidates noires et entre ces mêmes candidates, la concurrence est rude.
Katoucha Niane, celle qui la remplacera aux yeux de YVS, deviendra sa meilleure amie (j’étais surprise de le savoir). Avec Naomi Campbell, elles forment le trio « Black ». Elles se retrouvent les soirs après les castings ou défilés. Iman et Grace Jones, sont aussi leurs amies.
Cependant, comme elle le dit si bien dans son livre. Elle a vécu ses années, sans se soucier du lendemain. Car en Afrique, « nous vivons au jour le jour ».
La descente aux enfers
Lorsque Yves Saint-Laurent remplace Rebecca par Katoucha Niane (mieux connue), elle tente de continuer son chemin. Les temps son dur, il lui faut persévérer, travailler davantage, conquérir d’autres agences et couturiers.
Elle ne gagne plus aussi bien sa vie, son quotidien de top model s’effondre. Elle n’arrive pas à jongler entre ses problèmes conjugaux, sa fille Affie avec qui elle n’a jamais réussi à créer de liens, l’envers du décor de la mode…
Mon mot de la fin :
Le parcours de cette femme m’a beaucoup bouleversé ! C’est triste à dire, mais il y a tellement de choses, d’injustices qui se passent… Personnellement, je pense que chaque personne à son étoile, mais parfois, certains passent par des événements tellement douloureux.
À travers son récit, j’ai réappris l’histoire africaine : Le positionnement entre deux chaises de l’africain. Chrétien, musulman, animiste ? Car Rebecca nous plonge dans des cérémonies vaudou auxquelles elle y a assisté. Mais elle nous plonge aussi dans ses nombreuses interrogations, sur le Christianisme.
J’ai aussi redécouvert la corruption du continent : Le sort de nombreux enfants orphelins et abandonnés, les mauvais traitements qui leurs sont infligés, la prostitution des mineurs, les hommes qui utilisent leurs fonctions pour corrompre et se servir des personnes les plus vulnérables.
Aussi, on ne parle pas assez du vrai travail que les mannequins exercent pour se faire une place. Car il ne suffit pas de marcher, défiler ou de sourire devant un objectif.
Les stupéfiants dont la drogue, sont très répandues dans ce milieu. Beaucoup d’entre-elles y sont tombées…
Ensuite, le train de vie de ses filles est tellement mondain, qu’elles sont exposées à toutes sortes de risques. Fréquenter ce milieu, c’est aussi fréquenter les plus grandes personnalités, qui cachent d’autres personnalités, que ce qu’ils dégagent en public. Qu’ils soient joueurs de foot ou chef d’état, certains tentent d’abuser d’elles, sans crainte.
Et le sida… Cette maladie, qui fait moins « flipper » de nos jours, à beaucoup détruit le milieu de la mode, dans les années 80.
Je ne souhaite pas tout vous dévoiler, car j’estime que ce livre mérite d’être lu en entier. Enfin, mon dernier coup de coeur, c’est la présence de photos familiales. En effet, Rebecca possède des photos de ses parents, grands-parents et des autres membres de sa famille, datant des années 50 et 60. Les gens ont tendance à croire que l’Afrique n’est pas civilisée et que nous ne prenions pas de photos par exemple. Mais croyez-moi, avant comme aujourd’hui, les familles immortalisaient tous les événements qu’ils vivaient. La photo, n’est pas qu’une affaire d’occidentale.